Quelques statistiques complémentaires
Parmi les plus de 94.000 viols ou tentatives de viol commis chaque année en France, seulement 13% donnent lieu au dépôt d’une plainte, et seulement 2% finissent par une condamnation en cour d’assises. Avec une “déqualification” massive des affaires de viol, qui terminent en correctionnelle au lieu d’être, comme elles le devraient, jugées en cour d’assises ; quand ce n’est pas la prescription qui frappe.
Sur les 20% des femmes actives qui ont fait face à une situation de harcèlement sexuel au cours de leur vie professionnelle : dans 69% des cas, les harcèlements sexuels ne sont pas portés à la connaissance de l’employeur, et pour les victimes qui osent franchir le pas, dans 40% des cas cela se termine à leur détriment.
Trois salariés sur dix ont le sentiment d’avoir déjà été l’objet de harcèlement moral sur leur lieu de travail.
Les chiffres des autres violences de genre ne sont pas rassurants non plus.
14% des Français ont été victimes de maltraitance (physique, sexuelle ou psychologique) de la part d’un adulte au cours de leur enfance. 60% d'entre eux n’en ont parlé à personne.
Enfin, regardons ce qui s’est passé avec #metoo et autres phénomènes de grand déballage public. Ces témoignages de masse, qui libèrent la parole, mais peuvent aussi devenir des lynchages sans preuves ni procès, très longtemps après les faits, sont les symptômes d’une société dans laquelle de grandes populations de victimes n’ont jamais pu obtenir justice.
Quelques réflexions judiciaires
Depuis l’ordalie, depuis la question préparatoire et la question définitive, depuis le témoignage sous serment comme principale source de preuve, la Justice a fait beaucoup de chemin.
Balistique, autopsie médico-légale, analyse graphologique ou psychologique, empreinte digitale et ADN, exploitation d’enregistrements divers, ont permis d’enlever une bonne partie du “facteur humain” dans l’établissement des faits. Mais d’importantes lacunes demeurent.
Pourquoi les individus ne portent-ils souvent pas plainte en cas d’agression, de mensonge, de harcèlement moral ou sexuel, de bizutage ? Parce qu’ils savent qu’outre les lenteurs de l’appareil judiciaire, il leur faudra affronter les soupçons d’affabulation, jouer leur parole contre celle du malfaiteur (qui dispose - et c'est heureux - de la présomption d’innocence), et risquer le naufrage en cas d’insuffisance de preuve.
Même les initiatives légales de bonne volonté pour verbaliser le harcèlement de rue se montrent insuffisantes, faute d’un policier à chaque carrefour.
Combien d’injustices seraient évitées si les tribunaux ne s’en remettaient pas autant à des analyses de laborantins qui, pour certains, falsifient complètement les résultats ?
Même sans malhonnêteté du personnel technique, combien d’enfants ont été enlevés à des parents innocents, ou au contraire laissés entre les mains de bourreaux, sur la base d’analyses déficientes, ou d’habiles mensonges ? Pour les enfants pris en charge par l’aide sociale à l’enfance, la situation semble parfois tout aussi cruelle.
Pensons-nous que les analyses ADN ou les empreintes digitales sont très probantes ? Ce n'est pas le cas, et rien n’est plus facile que de disposer astucieusement les traces d’un innocent sur une scène de crime, ou d’attacher des sachets de drogue sous la voiture d’un opposant politique.
Comment différencier une “amnésie traumatique” d’un “souvenir induit”, lorsque les thérapeutes peuvent si facilement devenir gourous, et retourner des individus contre leurs proches ? L’obsession pour les thérapies alternatives, de plus en plus audacieuses dans leurs prétentions pseudoscientifiques (numérologie psychanalytique, analyse transgénérationnelle…) crée en outre un terreau fertile pour les distorsions de réalité.
Sans oublier, comme l’a terriblement démontré le procès d’Outreau, que dans les témoignages de victimes traumatisées, le vrai et le faux peuvent devenir indissociables.
Et ne parlons même pas des faux témoignages nés de rancœurs, de chantages, de corruptions, d’actes sexuels non assumés, de troubles psychologiques…